Elle a écrit plus d’une centaine d’ouvrages, tous avec la même flamme. À l’image de son dernier-né, Lisa Neumann, paru en mars dernier et déjà lauréat du Prix Pierre Benoît, récompensant une œuvre invitant au voyage et à l’aventure. Pendant un peu plus de 300 pages, Michèle Kahn nous entraîne de Hong Kong à la Suisse. Un polar avec un arrière-plan historique, celui de l’affaire des fonds en déshérence, et qui met en scène les personnages ayant fait le sel de l’un des précédents succès de la romancière, Shanghaï-la-Juive. Et tout particulièrement Lisa, que l’on retrouve forte et affirmée.

Vingt-quatre années séparent Shanghaï-la-Juive de Lisa Neumann : qu’avez-vous ressenti en retrouvant vos personnages après tant de temps ?
Ce fut quelque chose de très émouvant. Je dois tout de même préciser que j’ai publié, en 1999, Les fantômes de Zurich, qui contient toute la base fonctionnelle de Lisa Neumann : l’enquête sur les Nazis, les fonds en déshérence… Mais Lisa avait gardé le nom du mari dont elle avait divorcé. Avec ce nouveau livre, j’ai cherché à la restructurer, à lui donner de la force : en récupérant son nom, elle s’affirme et fait preuve de plus de détermination. Elle est enfin elle-même.
On découvre en effet une Lisa Neumann très libre, pleinement actrice de sa vie…
Oui, même si le fait d’être fortunée lui facilite la tâche ! Le manque d’argent serait un frein au développement de sa personnalité. Mais, cette jeune femme de trente ans, très riche, habituée au luxe et à la facilité, aurait pu rester à Hong Kong tranquillement après la disparition de son père, comme le font d’ailleurs ses deux frères. À la place, elle décide d’agir, de sortir de sa zone de confort, d’affronter les péripéties et les imprévus, pour lesquels sa fonction et sa place dans la société ne lui apportent aucune aide. Avec ce nouveau volet de son histoire, sa force intérieure et sa solidité se révèlent.
En quoi les retours de lecture de Shanghaï-la-Juive vous ont-ils inspiré Lisa Neumann ?
J’ai écrit Shanghaï-la-Juive sans réellement en expliquer la fin. J’avais simplement distillé quelques pistes afin que les lecteurs puissent inventer leur propre épilogue. Mais, un soir, alors que je dédicaçais mon roman en librairie, une lectrice m’a assuré : « vous êtes la seule à pouvoir imaginer la suite. » Je me suis ainsi remise au travail… en modifiant sensiblement mon état d’esprit : dans Shanghaï-la-Juive, les femmes existent en fonction d’un homme, Walter Neumann. En clair, elles n’ont pas d’existence propre. Cette idée me taraudait, au point que le personnage de Lisa Neumann s’immisçait régulièrement dans mon esprit, notamment lorsque je me brossais les dents : « alors, c’est cela ta conception de la femme moderne : une fille à Papa ? » Là, j’ai senti que j’avais quelque chose à rattraper !

Quelque part, vous évoluez avec vos personnages… !
J’ai vingt-cinq ans de plus aussi ! Je dirais que j’ai évolué normalement… Avec certainement une aspiration à la sagesse, une vision plus large des choses, des événements…
Dans Lisa Neumann, vous vous inspirez du dossier des fonds en déshérence, une affaire financière de la fin des années 90 concernant les comptes bancaires détenus par des victimes juives de la Seconde Guerre Mondiale. Le réel est-il un terrain d’inspiration pour vous ?
Absolument. Un peu comme si l’histoire me servait de scénario ! Je trouve cela intéressant d’analyser comment un contexte historique peut influer sur la vie quotidienne de mes personnages. En l’occurrence, Lisa Neumann aborde des sujets qui restent contemporains, tels l’antisémitisme, l’immigration, la place des femmes dans la société… bien que le livre commence en 1997 : à cette époque je lisais et gardais soigneusement tout article de presse relatif à cette actualité des fonds en déshérence. Des amis journalistes m’ont également communiqué certains éléments. J’aime apprendre, transmettre… et aller au fond des choses ! Ce sujet m’a particulièrement intéressée parce que j’ai besoin de réagir quand je constate de l’injustice, du mépris, de la dureté de cœur.
Vos lecteurs découvrent, à travers vos pages, Hong Kong et la Suisse. Connaissez-vous personnellement ces lieux ?
Oui : cela constitue un vrai plus d’être sur place et de noter ce que l’on voit. J’étais à Hong Kong lors de sa rétrocession à la Chine. Parallèlement, je connais très bien la Suisse et j’adore ce pays… même si je peux paraître le juger un peu durement !
Avez-vous cherché, aussi, après ces deux années de pandémie et de confinement, à proposer une invitation au voyage ?
Oui et non : tous mes livres font voyager. A travers mes textes, je l’ai même fait à des époques diverses : au quatrième siècle avant Jésus-Christ, au XVIIe siècle, dans les années 40… La marche du monde constitue mon intérêt.
Vous avez écrit plus d’une centaine de livres… Mais, dites-nous, quelle lectrice êtes-vous ?
J’aime lire les bons romans, c’est-à-dire ceux qui vous apportent quelque chose, enrichissent vos connaissances, permettent de découvrir les autres, des modes de vie différents, voire de vous révéler. En d’autres termes, quand on tourne la dernière page d’un roman réussi, on doit se sentir plus riche. Bref, un bon livre, on ne le lâche pas, on n’a pas envie d’arrêter sa lecture.