Depuis novembre 2017, cette Bretonne revendiquée commente ses coups de cœur sur son compte Instagram. Malgré un agenda bien rempli (« trop d’enfants pour lire des heures », affirme-t-elle), elle consacre un temps conséquent à sa passion pour la lecture.

Quel est votre livre de chevet par excellence ?
Sans trop d’hésitation, j’ai choisi Kafka sur le rivage d’Haruki Murakami. Il va et vient régulièrement sur ma table de chevet depuis des années.
A quel moment l’avez-vous lu ?
C’est le premier livre que m’a offert mon futur mari ! J’avais 23 ans et je venais de rencontrer un beau jeune homme qui partageait le même goût pour les livres que moi. Kafka sur le rivage, c’est aussi cette période de ma vie !
Pourquoi vous a-t-il marquée ?
Je ne connaissais strictement rien à la littérature nippone. Et j’ai commencé par un chef d’œuvre : le choc ! J’y ai découvert une culture dont j’ignorais totalement les codes. La société japonaise, dans les années 90, apparaissait comme un bloc monolithique de bons petits soldats conformistes entièrement dévoués à leur employeur. Et là, j’ai découvert des personnages bigarrés et atypiques, des légendes et des traditions auxquelles je n’ai rien compris mais que j’ai trouvées fascinantes : des portes invisibles à ouvrir et à refermer, des prophéties menaçantes, des fantômes, des pluies de poissons… Le prénom même du personnage principal laisse entendre qu’il ne faut pas chercher un seul et unique sens à ce roman. C’est un livre énigmatique et on doit véritablement lâcher prise pour l’apprécier.

Quelles sensations a-t-il réveillées en vous ?
Plus qu’une sensation, c’est un sentiment d’étrangeté, l’impression de perdre pied. C’était la première fois que je lisais un livre qui ne répondait pas aux questions qu’il posait. J’avais bien lu Poe, Maupassant ou Wilde mais on pouvait toujours se raccrocher à l’hypothèse de la folie des personnages pour expliquer le surnaturel. Ici, ce n’est pas possible. D’autres romans de Murakami comme 1Q84 ont eu le même effet sur moi.
L’avez-vous lu plusieurs fois ?
Pas en entier, toujours des passages. J’aime de plus en plus « piocher » dans les livres que j’ai déjà lus et ne plus en avoir une lecture linéaire : pendant une soirée, feuilleter un roman, retrouver un passage marquant, relire le début et enchaîner tout de suite sur la fin… L’expérience de lecture est différente mais tout aussi captivante.
A qui l’avez-vous prêté ?
Certains de mes enfants l’ont lu et visiblement appréciés, avec le même sentiment de perte de repères. Mais hors de la maison, je prête très peu mes livres. Ce serait comme donner une part de moi-même : pas très rationnel, comme Kafka !
Quel adjectif utiliseriez-vous pour qualifier ce livre ?
Envoûtant : c’est un livre auquel on pense très longtemps après l’avoir terminé. J’en suis un bel exemple.
Quelle question auriez-vous souhaité poser à son auteur ?
Je lis Murakami depuis de très nombreuses années maintenant et je trouve ses derniers livres moins réussis. Ma question, plutôt irrespectueuse, serait du genre « alors, mon grand, on se remet au boulot ? »
Et à son éditeur ?
De façon très classique mais incontournable : que ressent-on quand on réalise qu’on tient entre ses mains un tel livre ? Mais peut-être a-t-il hésité à le publier…
Sans transition, quelle est votre librairie coup de cœur ?
J’habite en Bretagne, à Châteaugiron. Nous avons la chance formidable d’avoir Camille et sa librairie Aux vieux livres*. Tenir face aux grandes librairies rennaises qui sont toutes proches et, bien sûr, face à Amazon est un véritable combat. Et une responsabilité pour ceux qui veulent voir perdurer « leur » petite librairie. Mais je suis inquiète : qu’en est-il en cette fin de confinement, après deux mois sans aucune vente ?
*3 Rue Saulnerie, 35410 Châteaugiron