Les lectures du mouton: c’est le nom du blog littéraire lancé en 2009 par cette Nantaise. Véritablement accro à la lecture, Virginie partage également ses chroniques sur ses réseaux sociaux. Contributrice enthousiaste de la planète bookstagram, elle a également été membre du jury du Prix Orange du livre en 2018.

Quel est votre livre de chevet par excellence ?
J’aurais pu parler de plusieurs auteurs qui ont eu un écho en moi allant de Romain Gary à Albert Camus ou de Nathacha Appanah à Marie-Hélène Lafon. Mais, en regardant ma bibliothèque, il était clair que cela ne pouvait être que le livre d’une femme qui n’était pourtant pas autrice. Il s’agit des lettres de Frida Kahlo de 1922 à 1954 : Frida Kahlo par Frida Kahlo. Je sais que c’est très à la mode d’être fan de Frida mais ce n’est peut-être pas pour rien si elle interpelle tant de monde et surtout tant de femmes.
A quel moment l’avez-vous lu ?
Je l’ai lu au tournant de la trentaine, il y a sept ans, dans une période compliquée pour moi. Je me revois très bien à l’automne 2012, sur le lit d’une piaule dans le sud-ouest de la France où j’ai vécu pendant six mois, sans ma famille, pour des raisons professionnelles. Un rayon de soleil dans un sentiment de vide.
Pourquoi ce livre vous a-t-il marquée ?
Il m’a marquée parce que, dans les lettres de Frida, j’ai trouvé des mots pour décrire la douleur, la solitude, l’isolement. Des sentiments que je vivais à ce moment-là. Elle a beau dire que les mots sont des couleurs qu’elle ne connait pas, c’est faux. Même dans ses lettres les plus banales, il y a une force, une fougue. C’est une femme qui se livre entièrement, dans tous ses excès – et j’aime les gens excessifs. Elle décrit la passion, la joie, la douleur sans filtre. C’est une femme de conviction, qui exprime haut et fort ses opinions, dans un langage souvent fleuri. Même si elle est parfois manipulatrice, geignarde, cherchant un peu à se faire plaindre ou à obtenir ce qu’elle veut, même si elle fait parfois de sa vie un roman, en mentant sur sa date de naissance par exemple, il n’empêche qu’elle est d’une grande sincérité et lucidité. Elle peint et écrit sa réalité.

Quelles sensations a-t-il réveillées chez vous ?
D’abord des larmes, puis une force. Ses lettres et ses peintures, que j’ai pu grandement découvrir pendant l’exposition L’art en fusion au musée de l’Orangerie en 2013, m’ont accompagnée pendant ma longue traversée du désert. Aujourd’hui, je n’ai que tendresse pour elle.
L’avez-vous lu plusieurs fois ?
En entier non. Mais, j’ai relu de nombreuses fois des passages que j’avais soulignés. Depuis quelques années, je l’ouvre de moins en moins parce que je n’ai plus besoin de le faire. Il reste là, bien caché dans un coin de ma bibliothèque. Mais si je devais sauver qu’un seul livre, ce serait celui-ci.
A qui l’avez-vous prêté ?
Je ne l’ai jamais prêté et je ne le prêterai jamais. Trop intime. Mon exemplaire est annoté et souligné (chose que je ne fais jamais pour d’autres livres). Il en dit trop pour être prêté.
Quel adjectif utiliseriez-vous pour qualifier ce livre ?
Flamboyant. À l’image des tenues qu’elle portait.
Quelle question auriez-vous souhaité poser à son auteure ?
Je n’ai pas de questions précises en tête. Il n’empêche que j’aurais aimé la voir à la Casa Azul et discuter avec elle. Je serais d’abord restée mutique face à une telle personnalité mais, l’alcool aidant – qu’elle aurait probablement versé dans mon verre avec générosité – je pense que nous aurions parlé des hommes, de la passion, de la douleur et de ce qu’on en fait.
Et à son éditeur ?
Des lettres ne sont jamais destinées au départ à être publiées même si Raquel Tibol, qui a forgé ce recueil, l’avait rencontrée pour écrire une biographie qui n’a pas pu se faire. Dans la préface, elle explique d’ailleurs la raison de ce livre, les choix effectués.
Peut-être que j’aurais aimé avoir les réponses de certaines lettres mais auraient-elles été aussi intéressantes que celles de Frida ?
Sans transition, quelle est votre librairie coup de cœur ?
Ma librairie coup de cœur est La vie devant soi* à Nantes, tenue par la merveilleuse Charlotte Desmousseaux. Une librairie de quartier lumineuse, généreuse à l’image de sa propriétaire. Charlotte a toujours de bons conseils de lecture – j’ai la chance en plus de partager avec elle certaines marottes – et une énergie incroyable. Elle est un peu une héroïne de roman des temps modernes.
76 Rue Maréchal Joffre, Nantes
Vos interviews sont très intéressantes !
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