L’incontournable livre de chevet de… Morgane alias Un cahier bleu

Passionnée de littérature au point d’enseigner cette discipline, Morgane évoque toutes les lectures qui l’émeuvent sur son blog et son compte Instagram. Cette amoureuse des mots, sur le point de boucler son premier manuscrit, a consacré son mémoire aux récits de voyage en Turquie de Pierre Loti, auteur du livre de chevet dont elle a choisi de parler.

Quel est votre livre de chevet par excellence ?

C’est un livre qui a véritablement changé ma vie, pour lequel il y a eu un avant et un après : il s’agit de Aziyadé, le premier roman de Pierre Loti. 

A quel moment l’avez-vous lu ?

Je l’ai lu il y a six ans, à la fin du mois d’août, dans une grande maison de vacances entourée par la pinède et les oliviers. J’avais choisi ce titre quelques heures avant de prendre la route pour le Sud, sans vraiment réfléchir, pressée par l’effervescence des départs. Je voulais simplement me documenter sur l’orientalisme en prévision de ma première année de master. 

Je dis souvent qu’à ce moment-là, par hasard, je suis tombée sur le livre de ma vie. C’est étrange comme expression, parce que, c’est vrai, il y en a des plus brillants, des mieux écrits, mais c’est celui-ci qui a fait de moi la personne que je suis. 

Pourquoi vous a-t-il marquée ?

Je me souviens encore de ces journées brûlantes du mois d’août, des carnets noircis, raturés, des mots dans la marge et des passages soulignés au crayon de papier. Entre les lignes, j’écrivais combien j’étais fascinée par l’histoire de cet amour interdit, par les caïques sur le Bosphore, les soirs de demie lune et de silhouettes fantômes, les illuminations du Baïram, les spectacles de Karagöz, les sons et les voix d’un pays qui m’était encore inconnu. Je disais aussi mon rêve soudain, devenu absolu, d’Istanbul. 

Quelques semaines plus tard, Aziyadé devenait mon sujet de mémoire de littérature : j’allais écrire sur la démultiplication des identités de l’auteur dans le cycle turc, à la fois correspondant, marin, revenant, un « je » au pluriel. 

Un an après, en septembre, je m’envolais pour la Turquie sans billet de retour pour y vivre quelques mois. Mon cœur n’a jamais battu si vite que lorsque l’avion s’est posé sur la piste de l’aéroport Atatürk : j’y étais, enfin. J’allais marcher dans le quartier d’Eyup auprès de leurs ombres, sur leurs pas, me recueillir sur la tombe de celle qui donna son nom au roman, Hatice, la véritable Aziyadé. 

Quelles sensations a-t-il réveillées chez vous ?

Quand j’ai découvert Aziyadé, je venais de rentrer d’un voyage seule à l’étranger. J’avais la tête remplie d’adieux auxquels on refuse de croire, ceux murmurés dans la nuit, au creux des rues endormies. J’avais voulu un au revoir, mais je savais qu’il n’y aurait pas de lendemain. Le fait de savoir que le roman de Pierre Loti n’en était pas un, ou tout du moins qu’il racontait une véritable histoire, m’a permis de mettre des mots sur ce que je ressentais : « Dans trois heures, il faudra partir, quand la Grande Ourse se sera renversée dans le ciel immense. Nous suivons chaque nuit son mouvement régulier, elle est l’aiguille du cadre qui compte nos heures d’ivresse. » 

J’apprenais doucement à tourner les pages, à traverser des minutes longues comme des nuits. J’avais l’impression que Pierre Loti disait tout ce que je n’arrivais plus à exprimer : l’intemporel opposé à l’éphémère d’une relation condamnée à sa source, l’interdit qui décuple les émotions, la nostalgie des heures évanouies au matin et, surtout, la fascination pour l’Orient. 

L’avez-vous lu plusieurs fois ?

Il a été mon sujet de mémoire pendant deux ans donc je l’ai relu des dizaines de fois à cette période, en France ou en Turquie, les pieds dans le sable, dans le train, à la bibliothèque. Depuis, je relis  régulièrement des passages et, pour certains, je les connais encore par cœur. 

Cet été, je suis retournée à Istanbul et il était évidemment avec moi. A chaque fois que j’effleure de nouveau ces pages, j’ai l’impression de « rentrer à la maison », comme un refuge. 

A qui l’avez-vous prêté ?

Je ne l’ai prêté à personne. J’ai l’habitude de conseiller de nombreux livres mais j’ai un lien trop intime avec celui-ci. J’aurais l’impression de confier une part de moi à quelqu’un… 

Quel adjectif utiliseriez-vous pour qualifier ce livre ?

Fascinant, pour la multitude de questions qu’il soulève sur l’identité, l’ailleurs, le temps et l’altérité. 

Quelle question auriez-vous souhaité poser à son auteur ? 

Aziyadé, le premier roman de l’auteur, ne représente que les prémices du cycle turc (sept séjours à Istanbul et six récits). A chacun de ses retours, les sublimes évocations de la ville rappellent à l’infini celle de la première aventure orientale. Alors je demanderais à Pierre Loti s’il a su tout de suite que « Stamboul » prendrait une place si importante dans sa vie… 

Et à son éditeur ?

J’ai probablement connu la réponse à cette question mais je ne me souviens plus alors la voici : pourquoi Aziyadé a-t-il été publié de façon anonyme au départ ? 

Sans transition, quelle est votre librairie coup de cœur ? 

C’est une question difficile, mais j’ai récemment eu un coup de cœur pour Le rêve de l’escalier, une librairie d’occasion rouennaise à la devanture bleu électrique. Rien que le nom invite à la poésie…

J’aime beaucoup les librairies d’occasion : un classement difficile à déchiffrer, des pyramides bancales d’œuvres hétéroclites et l’impossibilité de repartir les mains vides car on y trouve toujours ce que l’on ne cherche pas. 

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